Où dans la Dombes on (essaie de) brûle(r) une VRAIE sorcière... et que dans sa grande clémence, son insondable mansuétude, elle nous laisse la vie sauve...

Publié le par Titony

La Dombes est une région inculte, insalubre et marécageuse située au Nord est de la ville de Lyon. Un fait notable est que les paysans de cette contrée survivent principalement de l'élevage des carpes... Elle fait partie du gouvernement général de Bourgogne, plus précisément des terres du comte de Bourbon (Henri III de Bourbon ou Henri de Navarre) et sa ville principale se nomme Trévoux... et c'est là-bas même que mon oncle Jorge l'exorciste aveugle,Sergio mon fidèle valet et moi-même nous rendions en ce froid matin d'hiver. Certes, le roi François 1er avait ôté ces terres aux Bourbons après avoir accusé le connétable de félonnie mais le roi François II les leur avait restituées...
Il n'y a pas grand chose de notable concernant Trévoux si ce n'est que la ville est dominée par un château-fort comportant une tour octogonale d'un fort beau gabarit et qu'une des tours de cet édifice fut sapée lors d'un siège dudit édifice par les troupes hérétiques en 1563.


Mais revenons un peu en arrière... plus tôt dans la matinée, mon oncle et moi arpentions lentement la route boueuse dans un carrosse, ce qui était d'un confort appréciable: nous étions isolés du froid polaire, de l'humidité... et surtout de l'odeur, car les marais, ça sent vraiment très mauvais, quand notre cochet fit une halte. Là, nous entendîmes distinctement une voix féminine qui lançait des bordées d'injures à faire pâlir de honte une confrérie de charretiers. Les rapporter ici serait purement indécent, pourtant, je ne résisterai pas à vous en faire partager un florilège des plus pittoresques:
- figures de pain sucé
- éleveurs de chèvres turques
- mangeurs de chaussures
- faces de portraits cubistes
- chiens d'aveugle
- plastrasses
- gobis en chaleur.
Et j'en passe... A sa décharge, il faut dire que la femme en question était dans une posture fort peu enviable. En effet, elle était empalée et démembrée. Il était d'ailleurs étonnant qu'elle trouve la force d'insulter les honnêtes passants avec une telle véhémence. J'avisai Oncle Jorge qui m'expliqua qu'il s'agissait de la femme qu'il avait condamné quelques jours plus tôt. Pour la faire taire, je pris donc une grosse pierre et la lui jetai avec force en travers de la figure en lui disant: " Tais-toi donc, ribaude impie!" Mon tir fut d'une efficacité telle qu'elle rendit son dernier soupir dans une ultime insulte: "coiffure de David Guetta."

Nous continuâmes notre route jusqu'à la ville de Trévoux dans un silence de confessionnal car nous avions décidé de ne point commenter plus avant cet épisode peu reluisant.

(NDA: Ne pas transmettre ce passage à SM)

La place centrale de la ville était en effervescence. Toute la populace s'y était réunie et hurlait sa vindicte à une créature attachée à un poteau, laquelle était ceinte d'un tas de bois jusqu'à hauteur d'épaules. Elle allait être brûlée vive mais ne semblait pas le moins du monde effrayée par cette perspective.
Certes, elle ressemblait à une femme. Petite de taille, fine, musculeuse, avec la peau sombre... non pas noire comme le sont les femmes d'Afrique mais une couleur plus diabolique: une sorte de gris bleu. Les cheveux longs, raides et argentés qui encadraient un visage fin et sans âge. Ses yeux avaient la même couleur que ses cheveux avec des pupilles en forme de X. Il allait de soi qu'elle était un démon. Elle contemplait la foule d'un air insensible et n'esquissa qu'un vague sourire sardonique à l'arrivée de mon oncle.

Jorge de Burgos s'adressa à la foule en ces termes:
"Peuple de Trévoux, voici venu pour vous le temps de la délivrance des malheurs qui frappent votre contrée. Avec le sacrifice du démon du marais, il en sera fini des maladies, des enfants qui naissent avec de la mousse dans les oreilles, des moutons à deux têtes et de toutes les autres diableries qui hantent ces lieux! rendons grâce à notre Seigneur et que dans sa puissance, il ramène paix et harmonie en ces terres! Prions!"
Et ils prièrent...
J'avais les pires difficultés du monde à ne pas croiser le regard de la diablesse... car il était clair qu'il y avait en elle quelque chose de séduisant: à la fois merveilleux et terrifiant.
- Toi qui dis te nommer Vinlaarie Mortséide es-tu prète à confesser tes fautes avant d'aller rejoindre ton créateur? demanda Oncle Jorge.
- Vous autres cancrelats êtes désespérants de stupidité... allumez votre feu si cela vous amuse... mais je vous promets que cela sera votre dernière erreur... répondit le démon.

Le chef du village bouta donc le feu au bûcher. Les flammes s'élevèrent lentement, commençant à lécher les chairs de la femme, laquelle, au lieu d'hurler, éclata d'un rire cruel. Quelques minutes s'écoulèrent et les villageois hystériques lui jetaient des pierres et des oignons pourris à la figure. JE HAIS LES OIGNONS!!! hurla-t-elle. Et un vent glacial balaya la place et le bûcher, éteignant les flammes. Les rondins brûlants volèrent tout autour de nous, perçant à qui le flanc, à qui la face, à qui les membres. Des têtes et des jambes volèrent sous les impacts des bûches, répendant du sang partout. C'était un spectacle horrible!
Le démon s'était soulevé du sol et lévitait au-dessus des survivants qui cherchaient à s'enfuir. Ce fut alors qu'un nuage de sang se forma autour dudit démon et que sa bure blanche se changea en une robe indécente qui semblait faite de soie et d'acier couleur rouge sang. Elle avait les épaules découvertes, un corset de métal qui lui remontait la poitrine, des gantelets  et des chausses faits de ce même métal diabolique et une jupe de soie...
Dans sa main gauche apparut du néant une flamberge noire nimbée d'une aura ténébreuse. Il me sembla que celle-ci murmurait des malédictions. Le sourire de la femme laissa apparaître des crocs et ses yeux étaient devenus lumineux. Elle se déplaça alors avec une célérité confondante, tuant femmes, hommes et enfants qui tombaient comme des mouches sous les coups de son fer. Je n'avais jamais vu pareille combattante. Un des alguazils lui tira dessus mais cela n'eut aucun  effet sur ce démon sorti de la bouche de Satan en personne. Ce fut son dernier geste car elle le regarda dans les yeux, ce qui eut pour effet de faire bouillir son sang!

Après quelques secondes, il ne restait plus personne debout hormis elle, Oncle Jorge et moi. Contre mon pied, je sentis quelque chose d'humide et de collant au niveau de mes chausses. Oncle Jorge s'était oublié. Certes, il n'avait rien vu, mais il était certain qu'il avait ressenti l'indicible Terreur que cette sorcière provoquait.
Elle se campa devant nous, nous regardant avec un air que je qualifierais d'amusé et elle commença à parler: "Logiquement, vieillard, je devrais te tuer... enfin... disons que tu aurais déjà dû mourir de peur. Comme tu as survécu et que je suis une femme d'honneur je te laisserai la vie sauve. Cependant, il ne faut vraiment pas avoir de mère pour se faire pipi dessus de la sorte."
N'écoutant que mon inconscience, je dégainai mon épée et dit en signe de défi: "Je suis Antonio de la Santa Crutcha, tu as voulu tuer mon oncle, prépare-toi à mourir!" A peine eus-je fini a phrase que ma rapière quitta ma main et alla se planter à l'autre bout de la place.
- Je suis Vinlaarie Mortséide, immortelle Princesse des Ténébrants, Maîtresse des Exolicteurs et Gardienne de la Troisième Porte. Et ceci n'est pas mon histoire. Economise ta salive et laisse-moi retourner d'où je viens car j'ai assez perdu de temps avec vous autres misérables humains.
- Mais si ce n'est pas votre histoire, pourquoi êtes-vous ici?
- Certainement à cause de l'imagination tordue de mon créateur... mais avant de repartir, je vais détruire cette ville. Maintenant que tout le monde est mort, elle ne sert plus à rien.

Et elle joignit le geste à la parole. Tous les édifices hormis le château furent balayés, comme si son seul désir avait provoqué cette destruction. Avant de s'en aller, elle s'approcha et me glissa dans l'oreille: "Bien sûr, il est inutile de raconter cette histoire. Personne ne te croira petit homme."

C'était clair: raconter ça me vaudrait un aller simple pour le bûcher.

Publié dans Récit

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