Intermède: Sortie en DVD d'Alatriste.

Publié le par Titony

Aujourd'hui, 2 février 2009 sort le DVD d'Alatriste, un film auquel j'avais déjà consacré un Intermède quand j'avais commencé ce blog. C'est pour cette raison que je ne me répèterai pas en ce qui concerne le synopsis ou les acteurs.
Ayant enfin vu ce film, je peux en faire une rapide critique et faire une présentation du DVD et de son contenu. Le film prend le pari de raconter la vie du Capitaine Alatriste entre 1623 et 1643 et reprend la trame de quatre des six romans de la saga littéraire:
- Le Capitaine Alatriste (1996)
- Le Soleil de Breda (1998)
- L'Or du Roi (2000)
- Le Gentilhomme au Pourpoint Jaune (2003).

Le lien essentiel du scénario est donc la vie du personnage principal plutôt qu'une trame narrative ramassée. Ceci fait qu'on peut trouver que le film traine en longueur et que son scénario peut sembler très mince. Un autre écueil est que certaines situations (ainsi que certains personnages) ne sont pas creusés comme ils le mériteraient. Cependant, il serait dommage de s'arrêter à ça. En effet, ce qui fait la richesse du film, ce sont les relations qui existent entre les différents protagonistes de ce drame humain qui s'inscrit dans un contexte de "drame national", étant donné que le règne de Philippe IV marque le début de la fin de la puissance espagnole en Europe. C'est plus un film de personnages qu'un film à grand spectacle.


Viggo Mortensen crève l'écran (comme à son habitude) dans le rôle titre et le fait qu'il parle couramment espagnol est précieux. Quant aux autres acteurs, ils campent des seconds rôles tout à fait intéressants et fidèles aux personnages des romans, lesquels sont hauts en couleurs. Les histoires d'amour entre Alatriste et Maria de Castro ainsi qu'entre Iñigo Balboa et la vénéneuse Anjelica d'Alquezar ajoutent de l'épaisseur au récit.

La reconstitution historique est minutieuse. Les duels (à la rapière et à la biscayenne... ainsi qu'à la cape) sont d'un grand réalisme: brefs et violents. Ce ne sont pas des bretteurs brillants qui s'affrontent mais des soldats qui louent leurs services à tel ou tel puissant pour régler des affaires de façon discrète. Si Alatriste est un personnage évoluant entre ombre et lumière, son pendant Sicilien, Gualterio Malatesta est inquiétant (sans être un "méchant" de bas étage): "entre son chapeau et sa cape, on ne voyait que ses yeux bouger." D'ailleurs, les oppositions récurrentes entres les deux personnages ont un petit air de western.
Les scènes de batailles dans les Flandres et à Rocroi sont elles aussi d'un réalisme saisissant. La violence des combats des Tercios (les régiments d'infanterie espagnols) est très bien rendue.
L'ambiance de cette Espagne où une parole de trop, voire même un regard pouvait vous faire terminer avec quatre pouces d'acier plantés dans le corps au coin d'une ruelle sombre est elle aussi prégnante tout au long du film.
Un autre point fort du film réside dans sa photographie. C'est beau comme du Velasquez... Le directeur de la photographie, le chef décorateur et le réalisateur se sont inspirés des tableaux des maîtres espagnols de l'époque.

Qui dit DVD dit suppléments.
Dans l'édition spéciale, il y a notamment deux reportages très classiques:
- "Raconte ce que nous avons été" (qui est la dernière phrase de Sebasitan Copons à l'adresse du narrateur Iñigo Balboa) qui est un making of.
- "Ainsi est né... Alatriste" qui est la présentation des personnages des romans et du film.

Le bonus le plus intéressant de l'édition double est le livret de 98 pages qui l'accompagne. Outre de nombreuses photos du film et du tournage, il comporte une interview du réalisateur Agustin Diaz Yanes et une longue (et ô combien intéressante) interview de l'auteur Arturo Perez-Reverte.

Morceaux choisis:
Ce roman se déroule 17 ans après la défaite décisive de Rocroi lors de la guerre de Trente ans - ce moment où "sur l'empire espagnol le soleil ne se couchait jamais, mais était à présent sur le point de le faire". Vous maintenez que nous avons fait trop d'auto-flagellation au sujet de notre empire...
A. P.-R.: ... "Nous sommes passés de la gloire à la flagellation, mais nous n'avons jamais pratiqué l'exercice objectif consistant à dire "nous avons un passé trouble, oui nous avons été inquisiteurs, mais nous avons aussi été beaucoup de choses."

Comme quoi par exemple?
A. P.-R.: Allons! Il y a quand même 400 000 000 de personnes qui parlent un truc qui s'appelle la langue espagnole! Nous avons été Cervantès, Velazquez, Lope de Aguirre... Nous avons été une grande puissance mondiale. L'Espagne a pu faire ce qu'elle voulait de l'Europe, de sorte que l'Europe a cherché à lui tenir tête. (...) Nous avons posé une pierre tombale sur notre passé. Nous sommes venus à en avoir honte - et ça, ça ne s'est produit chez aucun des autres pays d'Europe. regarder notre passé à travers le prisme du "politiquement correct" est stupide. Vous ne pouvez pas regarder la conquête de l'Amérique ou la guerre des Flandres à travers ce prisme. C'était un monde différent, et on ne peut pas appliquer le critère du politiquement correct cher à notre XXIe siècle au monde des XVe, XVIe et XVIIe siècles. Les valeurs étaient différentes (...). Si vous examinez l'Espagne dans ce contexte, aux côtés de l'Angleterre, de la France et tous les autres qui ont joué le même jeu avec les mêmes règles, vous verrez que nous étions comme les autres, tous les autres, ni meilleurs ni pires.

 

 

Publié dans Intermèdes

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