Où après une lecture précipitée, on s'aventure dans des ruelles sombres...

Publié le par Titony

 

J'ouvris nerveusement la missive qui m'était adressée et la lus à voix basse. Mon visage blêmit et Jezabel me lança un regard inquiet, tandis que Sancho demeurait impassible.

C'était une terrible nouvelle qui venait de m'être annoncée. On avait retrouvé mon Cousin Avi et mon Oncle Jorge morts... de la plus horrible des façons: tous deux décapités. Leur assassin avait signé son crime d'un "V"...
Comment la nouvelle était arrivée aussi vite en Espagne? Pourquoi ce sceau royal? Cela me dépassait.
La suite de la lettre était une mise en garde. Moi, ma famille et mes proches courrions désormais un immense danger. Visiblement, il était un empoisonneur Sicilien qui voulait vraiment en découdre avec moi. A moins que ce ne fut qu'une coïncidence. Après tout, Oncle Jorge avait dû collectionner les ennemis, quant au Cousin Avi, je savais qu'il trempait des vingt doigts (orteils compris) dans toutes les combines louches de Lyon.

Sancho m'expliqua rapidement que la lettre ne pouvait venir d'Espagne, que le sceau n'était qu'un faux grossièrement imité. Cependant, vu qu'on ne pouvait pas savoir comment interpréter cette lettre, nous décidâmes de nous rendre directement chez le seul membre de ma famille que je me connaissais sur Paris: le Cousin Dove. Après tout, elle ne pouvait qu'être une manière de nous obliger à quitter Paris pour aller nous rendre compte par nous-mêmes de quoi il retournait. Cependant, nous ne pouvions nous le permettre... Alors, tout en sachant que nous ne savions que penser de cette lettre, nous partîmes dans les ruelles sombres et sales de Paris.


Nous étions tous les trois vêtus de grandes capes noires et nous marchions d'un pas rapide, sans échanger la moindre parole. D'après ce que j'en savais, l'échoppe du Cousin Dove se situait non loin de la Tour Jean Sans Peur, à l'entrée d'une impasse, en un lieu nommé le Marais.
Après avoir tourné pendant un long moment, nous parvînmes à notre but. Une enseigne indiquait: "Chez Dove: Tout doit disparaître." Les volets étaient clos et un silence de mort régnait dans la ruelle. Personne ne trainait dans les rues par cette nuit pluvieuse. Je frappai à la porte, attendant pendant plusieurs minutes le moindre signe de vie. J'insistai et bientôt la porte, qui n'était pas fermée à clef s'ouvrit sous un de mes coups de poing. J'entrai, accompagné de Jezabel, tandis que Sancho se dissimula dans un recoin sombre pour faire le guet.
L'intérieur de l'échoppe était en désordre, comme si quelqu'un animé d'intentions mauvaises nous avait précédés. La tension montait et j'entendais le coeur de mon aimée battre la chamade. J'avoue que je n'étais guère plus rassuré qu'elle.

Soudain, je sentis sous ma gorge le froid contact d'une lame de poignard et Jezabel laissa échapper un petit cri. Elle aussi, avait un couteau sous la gorge. Une silouhette s'était fourbement glissée dans notre dos. Qui qu'elle fût, elle s'était déplacée en silence. Nous ne pouvions pas distinguer son visage, caché entre un chapeau à larges bords et une cape à haut col.

"Qui êtes-vous et que venez-vous faire chez moi, bande de petits fouineurs?" Nous demanda-t-il.
- Dites-nous d'abord QUI vous êtes.
- Je crois que vous n'êtes pas en mesure de négocier, Monsieur. Et je serais fort marri de devoir tailler un sourire sanglant sur le beau visage de la demoiselle.
- Ne lui dis rien Antonio!

Nous entendîmes dans notre dos le "clic" typique d'un pistolet qu'on arme... C'était Sancho.
"A votre place, Señor, yé lacherais ces navajas et yé cesserais de ménacer la señoritta."
- Qui êtes-vous? répéta l'inconnu.
- Yé souis Sancho... Elle, c'est Jezabel et lui se nomme Antonio de la Santa Crutcha.
- La vérité! Santa Crutcha? Le seul Santa Crutcha que je connais se faisait appeler Jorge de Burgos... exorciste. Et on m'a envoyé sa tête ce matin... Sachez que ma tête sera plus difficile à prendre que celle de ce vieillard aveugle!
- Vous pouvez ôter ces navajas de nos gorges, Dove Rabbinovicz. Et vous, Ramon, baissez votre arme. Après tout, nous sommes entre gens de bonne compagnie.
- SANCHO!!! YE SOUIS SANCHO!!!
- Oh! Vous m'avez compris! Cousin Dove, je crois que nous avons des choses à nous dire. Allumons une lampe, fermons la porte à clef et discutons autour d'une bonne bouteille de vin.

Sancho et Dove s'exécutèrent et quelques minutes plus tard, nous étions assis autour d'une bouteille de vin d'Anjou, à visages découverts mais aux aguets, nos armes prètes à être tirées à tout moment.

Antonio: Cousin Dove, tu as dit que tu avais reçu ce matin la tête de Oncle Jorge.
Dove: Et celle de Cousin Avi.
Antonio: Quelles tristes nouvelles. J'ai reçu une étrange missive m'annonçant leur mort. Nous ne savons pas d'où elle vient, si bien que j'ai cru à un prétexte pour me faire quitter Paris. Pourtant, je pensais avoir laissé Oncle Jorge en sécurité au Collège de la Trinité.
Sancho: Yé l'imprecion que cela va au-délà dé la Vendetta.
Jezabel: Voyons, père, vous savez bien ce dont ce Corleone est capable. Si cet immonde Sicilien a juré la perte d'Antonio, il ira jusqu'au bout pour le détruire. Quitte à assassiner tous ses proches.
Antonio: Voilà qui est rassurant. Je n'aime pas cette idée d'avoir une épée de Damoclès sur moi.
Dove: Vendetta? Qué Vendetta? T'es allé faire mouillette  dans une Sicilienne?
Antonio: Je te le jure, je ne le savais pas.
Jezabel: Oui, c'est ça... Antonio la pauvre victime...
Antonio: Je te trouve fort injuste.
Sancho: Cé youste la yaloussia!
Jezabel: Père!
Dove: Cela est plausible... mais Oncle Jorge, avant de se rendre à Lyon, avait mené une enquête sur un puissant seigneur du Royaume, lequel était soupçonné de faire commerce avec des empoisonneurs et même une sorcière. Mais pour la sorcière, je pense que c'est ridicule.
Antonio: Si tu savais... Avec Oncle Jorge, on a vu des choses qui vont bien au-delà de ton imagination.
Dove: Oncle Jorge avait appris des choses sur un puissant de ce royaume qui cherchait à renverser le trône de France. Mais je n'ai pas su de qui il s'agissait.
Jezabel: Rien que ça... En tout cas, pour un commerçant, vous me semblez bien renseigné.
Dove: Cousin Avi me l'avait expliqué.
Antonio: Mais encore?
Dove: Disons que mon activité de "négocianteur" n'est qu'une façade.
Antonio: Madre de Dios! C'est une habitude ou quoi?
Dove: Disons que je fais tout disparaître... si on y met le prix.
Sancho: Cé qué yé comprends, cé qué nous dévrions retourner tous les quatre à la Tour.

Nous quittâmes la maison de Cousin Dove. Ce voyage en France devenait de plus en plus intéressant...

Publié dans Récit

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